Un appel international de la société civile sur le climat : « l’épreuve des peuples sur le climat » (« the people’s test on climate » en anglais)

“La lutte contre le changement climatique nécessite notre engagement et nos actions dans le cadre d’une solidarité globale”
ONG écologistes, associations d’aide au développement, de syndicats et de groupes religieux s’associent dans un texte commun sur le climat.

« L’épreuve des peuples sur le climat »

 

2015 : l’action sur le climat à l’épreuve des peuples

Ce document résume les discussions sur la façon dont de nombreuses organisations de la société civile vont approcher la COP à Paris.
Seule une transformation systémique de nos sociétés, de nos économies et de notre monde pourra permettre de répondre, tant à la crise climatique, qu’à l’accroissement des inégalités.
Les 20 dernières années ont été marquées par l’insuffisance et l’inefficacité des actions successives initiées par les différents gouvernements en matière de réduction de la pollution. Ce constat est d’autant plus vrai, notamment dans les pays les plus riches, qui ont ainsi échoué à prendre leurs responsabilités légales et morales. Seules des actions urgentes et transformatrices peuvent nous permettre de maintenir l’augmentation des températures sous le seuil des 1.5 degrés Celsius, plafond au-delà duquel le dérèglement climatique deviendra potentiellement catastrophique et irréversible.


L’objectif n’est pas seulement celui de la préservation de la planète et de l’environnement mais il doit aussi répondre à une exigence de protection des populations qui y résident et ainsi prouver la capacité du genre humain à garantir la dignité et la sécurité pour tous.
En tant qu’acteurs du mouvement social, environnemental, syndical et de la société civile, nous sommes en lien permanent avec les communautés les plus affectées par le changement climatique.
Malgré l’ampleur de la tâche, nos actions sont empreintes de la conviction que tout est possible. En effet, de nombreuses alternatives citoyennes, solutions efficaces apportées par les populations à l’échelle locale, nous confortent dans cette idée. Ces expertises concrètes existent et se multiplient pour permettre les changements nécessaires. On peut citer pour exemple : les projets énergétiques décentralisés communautaires qui tendent à soutenir la réduction de la pauvreté et le développement durable, ou les méthodes agroécologiques en vue d’une meilleure adaptation aux changements climatiques.

Les demandes et solutions défendues par les peuples reposent sur une vision du monde qui reconnait équitablement le besoin de vivre en harmonie avec la nature et la nécessité de garantir le respect des droits humains pour tous, y compris des peuples indigènes, des femmes ou des travailleurs.
Ces solutions remettent en cause l’ordre établi pour nous permettre d’arriver à un monde plus équitable, juste et durable. Mais elles font également face à d’importantes résistances pour cette raison même. C’est pourquoi il est indispensable de prendre en compte les demandes des mouvements sociaux du sud, qui représentent les communautés les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, tout en étant les moins responsables du problème.

Ces demandes incluent notamment :
La transformation énergétique durable : Réaffecter les financements des énergies polluantes vers les énergies propres, tout en soutenant l’accès communautaire décentralisé àl’énergie. Bannir tous nouveaux projets dans les énergies polluantes et ainsi garantir que l’accès à des énergies propres, peu coûteuses et sûres devienne un bien public ; Réduire la consommation énergétique, en particulier des élites, et assurer que la réduction de la pauvreté et la justice soient prioritaires dans le cadre de cette transformation.
Le droit à l’eau et à l’alimentation – Garantir l’accès à l’eau et à la terre pour une agriculture résiliente face au climat, arrêter les accaparements de terres et l’utilisation des terres agricoles pour la production d’agrocarburants qui font partie des fausses solutions au changement climatique ; et soutenir une agroécologie durable et des systèmes de production alimentaires résilients.
Justice pour les communautés impactées – Assurer et construire la résilience des communautés impactées, y compris à travers des compensations pour les plus démunis et marginalisés. Ces communautés n’ont aucune responsabilité dans le problème du changement climatique mais leurs vies et moyens de subsistance sont mis en danger par ses effets. Soutenir une transition juste pour les travailleurs dans une nouvelle économie sobre en carbone, inclusive et sociale, et soutenir les projets d’adaptation conduits par les communautés affectées.
La bonne volonté des gouvernements ne peut suffire à garantir la mise en oeuvre d’une telle vision de manière juste et équitable. Nos gouvernements sont sous l’influence de ceux dont les intérêts, profits et styles de vies seraient impactés par une telle transformation. Les plus pauvres et les plus vulnérables sont trop souvent exclus de tous les processus de décision. La participation et l’inclusion de tous dans les processus de décision et de mise en oeuvre est primordial à tous les niveaux.

Malgré l’ampleur de la tâche, l’histoire regorge d’exemples ou les peuples ont réussi à surmonter l’injustice et à venir à bout d’intérêts particuliers.

L’année en cours verra les gouvernements revenir à la table des négociations à Paris, pour intensifier la lutte contre le changement climatique dans le court terme et finaliser un nouvel accord global qui sera mis en oeuvre après 2020. Sur la base des demandes des peuples ci-dessus, ainsi que des impératifs scientifiques, tout indique que les résultats du sommet sur le climat de Paris ne seront pas à la hauteur des enjeux. Au contraire, il risque de légitimer les rapports de force actuels en faveur des élites, en ne proposant que des changements marginaux.

Toutefois, ces rapports de force peuvent et doivent basculer car les peuples à travers le monde sont décidés à protéger leur logement, leur droit à l’énergie, à l’alimentation et à un travail décent. Ces
énergies seront mobilisées pour articuler des demandes claires du sommet de Paris.

Pour répondre à ces demandes, le sommet de Paris doit:
S’engager à réduire immédiatement et drastiquement les émissions – Sur la base du principe d’équité et des impératifs scientifiques, mettre en oeuvre des actions de court terme dans le cadre d’un objectif de long terme devant être décidé à Paris.

Cet objectif devra marquer le début de l’abandon des énergies fossiles, et nous permettre de maintenir l’augmentation des températures à des niveaux acceptables.
Soutenir de manière adéquate la transformation – Garantir que les ressources nécessaires, telles que les financements publics et les transferts de technologie, seront disponibles pour permettre cette transformation, notamment dans les pays pauvres et vulnérables.
Garantir la justice pour les communautés impactées – Accroître le soutien à l’adaptation dans le nouveau régime climatique et garantir qu’un mécanisme additionnel permettra de financer les pertes et dommages allant au-delà de notre capacité à nous adapter ; Prendre des engagements fermes pour sécuriser les emplois et moyens de subsistance des travailleurs grâce à des transitions justes.
Se concentrer sur des actions transformatrices – Garantir que des solutions efficaces et renouvelables soient mises en avant, au dépend des fausse solutions qui ne répondront pas
aux attentes, tels que les marchés carbones sur les terres, les interventions de géo-ingénierie dangereuses, pour ne citer que ces deux exemples.

Tant les gouvernements que les résultats du sommet de Paris seront évalués à l’aune de ces demandes. Mais Paris ne sera pas seulement une énième session de négociation sous l’égide de la CCNUCC, et ne se limitera pas aux résultats, ou au manque de résultats, des gouvernements.

Paris sera aussi le moment qui démontrera que les actions concrètes permettant une transformation globale viennent des peuples et non des politiciens.

Nous voyons Paris comme un début et non une fin ; une opportunité de connecter les demandes pour plus de justice, d’égalité, de sécurité alimentaire, d’emplois, et de droits ;

Une chance aussi de renforcer la société civile afin que les gouvernements soient forcés d’être à l’écoute et d’agir dans l’intérêt des peuples, et non plus en faveur des intérêts de la minorité que constitue les élites. Paris marquera le début d’une année d’action en 2016, une année ou les demandes et solutions des peuples seront au centre du débat.

La lutte contre le changement climatique nécessite notre engagement et nos actions dans le cadre d’une solidarité globale. Nous continuerons à demander des comptes aux élites économiques et politiques sur le changement climatique. Et nous serons toujours plus nombreux, au fur et à mesure que les mouvements s’unissent au-delà de la COP à Paris. Nous continuerons nos luttes au niveau
local, national, régional et global pour garantir que les peuples seront au centre d’une transformation plus juste de nos sociétés.

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