“La clé des champs” : un projet militant. Entretien avec Adrien Abhervé

Nous l’avions annoncé dès le lancement du défi. Celui-ci est d’abord pour notre collectif une occasion de réfléchir à nos modes de consommation, de découvrir ce qui s’invente depuis quelques années, comme manières de produire, de s’organiser, de structurer des liens au sein d’un territoire, de partager des ressources et des revenus…  http://transitioncitoyennebrest.info/defi-mois-sans-supermarche-fevrier-et-mars-2019/   

Entretien avec Adrien Abhervé, gérant de la Biocoop « La clé des champs » à Landerneau. Réalisé par Patrick Sablon

Présente-nous ta structure en quelques phrases

C’est une Epicerie Bio créée en 2010, adhérente au réseau Coopératif Biocoop. C’est avant tout un projet militant dont la volonté est de développer l’agriculture biologique et le commerce équitable à taille humaine. Nous avons choisi le statut de SCOP – Société coopérative et participative  http://www.les-scop.coop.fr . Elle appartient à ses salariés/associés au capital. Chaque associé possède une voix quel que soit son apport.

Nous étions deux et très vite trois au départ, pour quatre salariés. Aujourd’hui, nous sommes dix associés pour quatorze salariés (environ treize équivalent temps plein). Le bâtiment appartient à une SCI constituée dès le départ pour acheter le local.

Comment se font les approvisionnements : producteurs, fournisseurs, centrale… ?

Nos produits sont presque exclusivement certifiés en label biologique et 93 % de nos ventes concernent des produits alimentaires. Contrairement à la grande distribution, nous ne cherchons pas à développer d’autres secteur que l’alimentaire. Le reste ce sont des produits d’hygiène, d’entretien, un peu de cosmétiques,  des livres…

La charte Biocoop offre une liberté d’achat de « produits locaux » dans un rayon de 150km. 20% de nos achats se font en direct. Le producteur vient proposer son ou ses produits. C’est en équipe que nous décidons en fonction des autres producteurs déjà référencés. Les adhérents ont une remise de 5% sur les produits locaux.

Le reste est acheté à la centrale Biocoop qui offre des remises de fidélité en fonction du taux d’approvisionnement (98% de nos achats hors local se font de cette manière). Globalement, nous voulons résister à la logique d’échelle pour éviter de faire souffrir les artisans locaux. En effet Biocoop fait parfois fabriquer des produits à grande échelle pour tirer les prix (chocolat, yaourts…). Nous pouvons trouver ces produits localement auprès de petites entreprises que nous voulons accompagner et soutenir dans leur développement.

Nous sommes constamment dans le débat du commerce et du militantisme : nous essayons de gérer au mieux les choix et les coûts pour offrir des produits abordables au plus grand nombre.

Parle-nous de la gouvernance : le mode de prises de décisions et d’organisation, le statut du personnel, la place des usagers… ?

La SCOP est coordonnée par un gérant : c’est un salarié élu pour quatre ans. Les décisions courantes se font à deux avec l’adjointe. Il y a quatre réunions par an des associés salariés. Il y a deux AG de la SCOP par an.  Nous avons une réunion d’équipe par mois et des réunions par secteurs de produits en sous-groupes.

Nous sommes à l’écoute des clients mais  ils ont assez peu de place dans l’organisation et les décisions. Nous réfléchissons d’ailleurs à créer une association de consommateurs qui aura sa propre autonomie financière et organisationnelle.

Quels sont les aspects financiers : chiffre d’affaire, salaires, répartition des bénéfices… ?

En 2018 : le chiffre d’affaire a été de 2 300 000 € HT, en augmentation de 10 %. En  2016 et 2017, les augmentations étaient proches de 30% ! Les marges sont de 25%.

Nous comptons en moyenne 1700 passages en caisse par semaine pour 1200 adhérents actifs. Le panier moyen est de 30€, en augmentation constante, ce qui montre une fidélisation des clients.

Le nouveau salarié démarre en général par un ou des remplacements, ensuite nous proposons généralement un CDD de 6 mois et enfin un CDI. Le salaire à l’embauche est le SMIC + 10%. L’échelle des salaires va de 1 à 2. Le principe de transparence est permanent vis à vis des salariés : grilles des salaires, bilans comptables, … Les bénéfices sont partagés et équivalent à un treizième mois.

Et les impacts environnementaux : emballages, gestion des invendus, déchets, origine des produits, bilan carbone, mesures… ?

«Les emballages c’est le point noir ! Nous allons développer le vrac et diminuer progressivement les produits emballés. Il y a la campagne Biocoop sur l’emballage réutilisable.

« Une épicerie par quartier » : Le premier poste producteur de CO2 est la voiture des clients ! D’où la volonté d’être en ville et l’idée de créer d’autres magasins dans les quartiers pour pouvoir s’y rendre à pied ou à vélo !

Le transport de produits  : Les petits véhicules des producteurs locaux et les camions de la centrale Biocoop. Pas d’avion mais exclusivement le bateau pour les produits exotiques importés (bananes, café …).

Les invendus : Nous les partageons d’abord en équipe, nous en donnons aux associations et à un éleveur de cochons, une partie part au compost. Une manière de limiter les impacts environnementaux c’est de rapprocher les productions des consommateurs, on pourrait dire « ré-artisanaliser », c’est à dire permettre la création et la durabilité  de petites unités de productions proches de lieux de vente de petite taille. Bref « Une production à taille humaine pour une consommation à taille humaine ».

Ce serait ça, la différence avec la Grande Distribution ?

Oui ! Essentiellement la taille de la structure mais aussi la transparence comme je l’ai évoqué avant. Nous sommes avant tout des épiceries alimentaires : la charte Biocoop impose minimum 70%, ici nous sommes à 93% !

Et la Pub ? Nous n’en faisons pas, certaines Biocoop et le réseau en font un peu. Il  va en faire un peu plus prochainement. Sans doute face aux projets de la grande distribution d’ouvrir des magasins bio !

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